Comme un cadeau

Une oasis dans un désert rocheux.

Ce matin en me levant, pendant que je m’affairais silencieusement, mon esprit se baladait dans mes pensées. Alors, rien d’extraordinaire, c’est comme ça chaque matin. Mais là, des souvenirs d’anniversaires et de fêtes de fin d’année se bousculaient. Je me suis rappelé de l’excitation qui était la mienne quand j’étais minot et que j’ouvrais mes cadeaux… Et là, d’autres souvenirs sont passés par-dessus dans le fil des pensées. Des cadeaux reçus en dehors de toute occasion « officielle » particulière. Et j’ai été interpellé parce que je me suis vite rendu compte que si je me souvenais de l’excitation d’ouvrir mes cadeaux d’anniversaire, je ne me souvenais plus ou très peu des cadeaux eux-mêmes. Par contre, je me souvenais parfaitement des cadeaux que l’on m’avait offert « par surprise » alors qu’il n’y avait aucune raison, aucune occasion « officielle », même les plus insignifiants. Mieux, je me souvenais même de qui me les avaient offert ! Et là, je me suis rendu compte que c’était à mes yeux d’enfant les plus beaux cadeaux reçus.

Mes pensées continuant leur petit circuit matinal, tout ceci faisait écho à ce qu’un proche me disait dernièrement. Je paraphrase (car je n’ai plus le fil exact de ses mots en tête) : « Je suis toujours étonné de ton envie de mordre la vie à pleine dent, alors qu’elle n’a pas toujours été tendre avec toi, parfois même cruelle, et qu’elle n’est pas plus bienveillante aujourd’hui qu’hier. Et je ne comprends pas pourquoi. » Ce proche était sincère dans sa remarque. Je n’ai pas su répondre sur l’instant. J’ai sorti une de mes petites phrases favorites pour éviter les impasses dans les conversations, du genre : « En même temps, tant mieux ! Mieux vaut avoir envie de vivre que l’inverse ». Et en disant ça, je me suis souvenu que j’avais souvent envisagé le suicide quand j’étais adolescent… Donc, si j’ai bien envie de vivre envers et contre tout aujourd’hui, l’honnêteté veut que j’admette que ça n’a pas toujours été le cas. Et à plusieurs reprises, dans mes années collège et lycée, j’ai été tellement desespéré que j’avais planifié avec précision mon départ prochain de cette terre. Seules des circonstances contraires m’en avaient empêché, laissant à mon « instinct de survie » naturel le temps de reprendre un tant soit peu le dessus.

Et puis j’ai commencé ma vie d’adulte avec un état d’esprit de plus en plus combatif. Je n’avais toujours pas envie de vivre, pour ce que la vie m’amenait… mais je n’avais pas envie non plus de partir ! Contradictoire, certainement. Et de combats en combats, d’épreuves en épreuves, dans l’alternance de moments « pas trop malheureux » et de moments plus tragiques, j’ai comme « musclé » mon moral pour qu’il arrive toujours à voir les moments « pas trop malheureux » comme « heureux en fin de compte », puis à voir les moments tragiques comme « n’ayant pas réussi à m’abbatre ».

J’ai maintenant la quarantaine passée, et voilà que j’ai « envie de vivre » ! Je ne fais plus que positiver le négatif pour résister au néant. J’ai « envie de vivre ». Je trouve un véritable attrait à la vie ! Je rejoins la remarque de ce proche et je me pose alors la question à moi-même : « Donc, pourquoi ? »

Je pose des mots sur ce que je ressens à ce propos. J’ai fini par considérer que la vie dans ce monde ne peut être autrement que cruelle, simplement à divers degrés (du très supportable dont on peut faire abstraction à l’insupportable) en fonction des personnes et des circonstances. Et j’ai fini par prendre les petits bonheurs, même insignifiants, comme de petits cadeaux de la vie, sous forme de trêves. Des cadeaux qui surviennent inopinément, « par surprise », sans occasion « officielle ». Des moments qui me remplissent tellement de joie sur l’instant, que je me permets de les vivre intensément ! Et ce faisant, j’accumule de l’énergie dans la « batterie rechargeable » de mon moral. Alors, quand revient un certain quotidien fade et sans goût, et quand reviennent des moments tragiques ou cruels, je puise dans cette « batterie » l’énergie nécessaire pour faire face sans plier, avec l’idée que tôt ou tard il y aura de nouveau une trêve, un « cadeau surprise » de la vie, un petit bonheur intense à vivre. Mieux, je positive dans les épreuves, non plus pour leur résister mais plutôt pour les exorciser, et comme hâter la traversée du désert en pensant au confort de l’oasis qui ne manquera pas de survenir.